Le projet de loi sur les séparatismes présenté en Conseil des ministres
[Mise à jour du 10 décembre à 11h31]. Le nouveau projet de loi contre les "séparatismes" (rebaptisé "projet de loi confortant les principes républicains", a été présenté ce 9 décembre en Conseil des ministres, date anniversaire de la loi sur la laïcité. Financement des lieux de cultes, contrôles auprès des associations, protection et neutralité des services publics... Parmi les grandes mesures figure également l'école obligatoire pour tous les enfants dès l'âge de trois ans. "A la rentrée 2021, l'instruction à l'école sera rendue obligatoire pour tous dès 3 ans. L'instruction à domicile sera strictement limitée, notamment aux impératifs de santé" avait annoncé Emmanuel Macron. Est-ce pour autant la fin de l'instruction à la maison ? Le 4 décembre dernier, lors d'une interview accordée au média en ligne Brut, Emmanuel Macron a tenu à rassurer les partisans de l'école à la maison en rappelant que le texte prévoyait des exceptions. "Ce qu'il faut faire, c'est prévoir les bonnes exceptions, qui correspondent à une liberté légitime, qui peuvent continuer à se faire", a expliqué le chef de l'Etat. Le texte renforce par ailleurs l'encadrement des écoles hors contrat en introduisant la notion de "régime de fermeture administrative" en cas de "dérives". Il prévoit aussi d'attribuer "à chaque enfant d'âge scolaire un identifiant national permettant aux autorités académiques de s'assurer qu'aucun enfant n'est privé de son droit à l'instruction ".
Dans quels cas l'instruction à domicile sera-t-elle autorisée ?
Depuis 10 ans, l'instruction a domicile a été multipliée par trois. A la rentrée 2020, ils étaient 62 000 enfants dans cette situation (0,5% du total des élèves scolarisés), dont 45 000 le sont par choix des parents et non par nécessité. Lors d'une conférence de presse le 9 décembre, le ministre de l'Education nationale a déclaré que "l'instruction à domicile doit être tout à fait exceptionnelle (...) Dans un certain nombre de cas, cela camoufle des structures clandestines salafistes." Récemment, des écoles de ce type ont été démantelées. 50% des enfants qui y étaient scolarisés étaient officiellement scolarisés dans la famille. "C'est pourquoi nous mettrons en place un régime d'autorisation de scolarisation à domicile, et non plus une simple déclaration" a précisé Jean-Michel Blanquer. Il est notamment revenu sur ces exceptions qui "doivent être conformes aux droits de l'enfant". Les parents pourront alors demander une dérogation pour :
- l'état de santé de l'enfant, son handicap
- la pratique d'activité sportive ou artistique intensive
- l'itinérance de la famille en France,
- un éloignement géographique
Les parents devront eux aussi apporter une justification : celle d'être en capacité de faire l'instruction à domicile selon l'âge de l'enfant. Ensuite, des contrôles a posteriori pourront être effectués pour s'assurer de la qualité d'enseignement de l'enfant.
Rappelons que l'âge de l'instruction obligatoire avait déjà été abaissé à trois ans au lieu de six ans en 2019, mais faire école à la maison était tout à fait possible. "Il y a deux ans, nous avions l'instruction obligatoire, l'école maternelle et fondamentale pour tous, mais il restait une possibilité d'instruction à domicile. Désormais, il y a une obligation juridique, avec des sanctions prévues quand on n'envoie pas son enfant à l'école" avait déclaré Jean-Michel Blanquer sur France 2 ce 6 octobre. |
Ecoles hors contrat : bientôt un numéro INE pour tous les élèves ?
Depuis trois ans, les établissements privés dits "hors contrat" sont davantage surveillés par l'état, dans un souci de respect des principes de la République. Ils représentent une grande part de la scolarisation des élèves français : 85 000 enfants y sont scolarisés. Ils ne sont pas tous religieux, on remarque qu'ils sont divisés en trois tiers à peu près égaux : établissements avec pédagogie alternative (type Montessori), établissements qui se déclarent laïques et établissements revendiquant une appartenance confessionnelle. Plusieurs ajustements ont été mis en place dans le cadre de la loi "L'école de la confiance" (2019) et de la loi Gatel (2018) pour que tous les enfants français soient éduqués équitablement.
Hormis l'obligation de respecter un certain nombre de règles pédagogiques, ces établissements hors contrat sont forcés de déclarer tous leurs employés chaque année afin qu'aucun membre ne soit engagé alors qu'il fait l'objet d'une incapacité juridique. Les ressources financières ainsi que tout le bilan comptable de ces établissements privés sont aussi soumis à un regard de l'Etat durant toute leur existence. En plus de ces points qui ont déjà permis d'harmoniser l'enseignement français (qu'il soit public ou privé), le projet de loi souhaite clarifier le "socle minimal de connaissances" requis pour ces lieux d'apprentissage.
Un autre point distinguait jusqu'à présent les élèves du public et privé sous contrat et ceux d'écoles hors contrat. Ces derniers ne bénéficiaient pas de leur "identifiant élève" aussi appelé numéro INE. L'objectif est d'en attribuer un à tout élève français, quel que soit son mode de scolarisation. Mais dans la mesure où cette modification exige des ajustements techniques importants, son application pourrait être décalée.
La langue arabe sera-t-elle davantage enseignée à l'école ?
Emmanuel Macron a aussi indiqué qu'il souhaitait que les jeunes cherchant à apprendre l'arabe puissent le faire dans le cadre de l'école. "Quand vous connaissez l'arabe ou que votre famille parle l'arabe, c'est une chance pour la France", a expliqué le chef de l'Etat. "On a énormément de jeunes qui, dans les familles, le parlent parfois avec les deux parents dont les cultures sont en langue arabe (...) Ils vont continuer à apprendre ou à perfectionner leur langue, qui est leur langue maternelle (...) à l'extérieur, parce que la République leur offre peu de langues et de possibilité d'enseignement en arabe", a ajouté le Président de la République, qui a indiqué que "les choses étaient en train de s'améliorer". Le 6 octobre dernier, Emmanuel Macron avait également envisagé de créer un "institut scientifique d'islamologie" ainsi que "des postes supplémentaires dans l'enseignement supérieur". Pour le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin, renforcer l'apprentissage de cette langue à l'école est "une proposition républicaine et courageuse", avait-il déclaré au Journal du Dimanche. "Nous avons besoin de jeunes Français qui parlent l'arabe [...] L'enseigner à l'école c'est aussi un moyen de réduire le pouvoir des religieux", avait-il ajouté.
Ecole obligatoire dès 3 ans, "c'est aussi le respect des droits de l'enfant"
Pour Jean-Michel Blanquer et la députée Anne-Christine Lang, la limitation de l'instruction à domicile est aussi une question de "respect des droits de l'enfant". "Ce que nous allons faire, c'est à la fois la protection de la République et celle des droits de l'enfant" avait précisé le ministre de l'Education à l'Assemblée nationale ce 6 octobre. Pour Jean-Michel Blanquer, l'instruction à domicile est "une forme d'exception envisagée, mais qui s'accompagne de mesures pour protéger les droits de l'enfant. Aujourd'hui, nous ne sommes plus capables de les protéger car trop d'enfants sont conduits vers l'obscurantisme, le racisme, l'antisémitisme ou encore la misère qui peuvent les guetter". Rendre l'école obligatoire dès 3 ans vise ainsi à "lutter contre tous les groupes qui essaient d'enrôler les enfants", avait-il ajouté. Cette loi permettra notamment de fermer administrativement les structures clandestines.
Rappelons que l'enseignement primaire obligatoire (de 6 à 13 ans) a été instauré par la loi Ferry le 28 mars 1882. Depuis, l'âge de l'instruction a été modifié deux fois, en étant allongé à 14 ans (loi du 9 août 1936 initiée par Jean Zay), puis le 6 janvier 1959 par Charles de Gaulle, qui avait allongé une nouvelle fois la scolarisation jusqu'à l'âge de 16 ans. |
https://ift.tt/2W1D3zS
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire