Le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a suscité un tollé sur le plateau de BFMTV, le 7 septembre. Selon l’ancien ministre de l'Action et des Comptes publics, les élus locaux qui autoriseront le port du burkini dans les piscines et sur les plages seront pointés du doigt : "L'Etat aura les moyens de rappeler aux maires que l'on ne peut pas accepter des atteintes graves à la laïcité". Si Gérald Darmanin et Marlène Schiappa s'affairent à la préparation d'un projet de loi contre les séparatismes (présenté à l'automne) qui préconise notamment les tenues vestimentaires laïques, Franceinfo cite plusieurs textes législatifs qui prouvent que l'État ne peut pas forcer les maires à interdire le burkini.
Peut-on afficher ses convictions religieuses dans les piscines publiques ?
"Les usagers du service public ont le droit d'exprimer leurs convictions religieuses (ou autres) dans les limites du respect de leur bon fonctionnement et les impératifs de sécurité, de santé et d'hygiène" : c'est ce qu'affirme la fiche 12, publiée sur le site du gouvernement. Les piscines publiques sont gérées par les communes.
Excepté dans le contexte des classes des établissements scolaires, chaque individu est libre de se baigner habillé au nom de ses convictions :"Au sein des services publics, tout usager peut porter un signe religieux (ou autres). Seule la dissimulation du visage (par un voile intégral, un casque, une cagoule, etc.) est interdite, pour des raisons de sécurité et d'interaction sociale (loi du 10 octobre 2010)".
L'argument du principe de la laïcité prôné par Gérald Darmanin pour contrer le port du burkini est donc invalide, comme le rappelle Franceinfo. Par ailleurs, l'article 1er de la loi de 1965 sur la séparation de l'Église et de l'État insiste sur le droit d'exprimer ses convictions religieuses.
Les élus locaux, seuls décisionnaires
Seule la municipalité peut accepter ou non le port du burkini, l'Etat ne peut pas intervenir dans les décisions. L'article L.2212-2 du code général des collectivités territoriales assure que le maire peut refuser le port du burkini afin "d'assurer le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques", comme le rappelle Franceinfo.
Le maire peut aussi décider d'interdire le burkini pour des raisons d'hygiène, car il est nécessaire de passer par les vestiaires pour se changer et la tenue ne doit pas empêcher de se doucher avant de rentrer dans le bassin. Cependant, comme le précise le Défenseur des Droits, l'interdiction doit être justifiée: "L'établissement mis en cause doit rapporter la preuve, notamment par des données et/ou études scientifiques, que son refus est fondé sur des éléments objectifs et non discriminatoires".
Quant au ministère de l'Intérieur, il déclare que "toute interdiction du port du "burkini" dans une piscine municipale doit donc faire l'objet d'un examen précis et circonstancié par le maire, visant à concilier nécessités de l'ordre public et respect des libertés constitutionnellement garanties".
Une interdiction du port du burkini possible... mais pas au nom de la laïcité
La laïcité ne peut pas être un argument en faveur de l'interdiction du burkini. Un récent rapport de l'Observatoire de la laïcité en est la preuve. Il déclare que "le principe de laïcité permet aux usagers des services publics à porter en leur sein des signes (qu'ils soient discrets ou non) ou tenues manifestant – ou qui pourraient être perçus comme manifestant – une appartenance religieuse" .
Enfin, "Il ne saurait permettre une interdiction générale et absolue du port de tels signes dans l'espace public, sans remettre en cause les libertés fondamentales de liberté d'expression et de liberté de religion. Dès lors, le port du "burkini" par des femmes fréquentant un espace public tel qu'une piscine municipale, s'il constitue effectivement une manifestation de leur religion, ne peut faire l'objet d'une interdiction générale et absolue", assure le ministère de l’Intérieur, sur le site du Sénat.
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