jeudi 28 janvier 2021

L'hébergement des enfants placés à l'hôtel bientôt interdit

L'hébergement des enfants placés à l'hôtel bientôt interdit

Prise en charge des enfants placés : que prévoit le projet de loi ?

Interdiction d'hébergement des enfants placés à l'hôtel

[Mise à jour du 28 janvier à 12h24]. Adrien Taquet était l'invité d'un débat qui a suivi la diffusion du documentaire "Enfants Placés : que fait la République", sur France 3 ce 27 janvier. A cette occasion, le secrétaire d'Etat a annoncé qu'une proposition de loi visant à améliorer la prise en charge des enfants placés serait votée cette année pour une mise en vigueur début 2022. Parmi les principales mesures : de nouvelles normes d'encadrement, une meilleure prise en charge et des aides à l'insertion dès l'âge de 18 ans, mais aussi l'interdiction du placement des enfants dans les hôtels. Une mesure qui avait été plusieurs fois dénoncée, notamment après l'assassinat de Jesse, un jeune homme de 17 ans confié à l'ASE, et tué dans un hôtel de Suresnes en 2019. Néanmoins, selon l'Agence France-Presse, cette interdiction d'hébergement en hôtel ne concernerait que des "exceptions très encadrées", comme pour les mineurs isolés et étrangers durant la période à laquelle on évalue leur âge.

Le rapport de l'IGAS, commandé par Adrien Taquet en décembre 2019 et visant à dresser un état des lieux concernant l'hébergement des mineurs de l'ASE à l'hôtel vient d'être rendu public ce 25 janvier 2021. Selon la mission, le nombre moyen de mineurs accueillis à l'hôtel s'élevait à 5 % des jeunes de l'ASE, soit un total de près de 9 000 jeunes. "Parmi les mineurs accueillis à l'hôtel ou en structure non autorisée ou habilitée au titre de l'ASE, figurent certains jeunes en situation dites "complexes" du fait de l'absence de mode de prise en charge adaptée ou d'une prise en charge éclatée entre l'Aide Sociale à l'Enfance et des structures relevant du secteur médico-social notamment" précise le gouvernement dans un communiqué du 27 janvier. Pour remédier à cette prise en charge trop souvent morcelée, de nombreux acteurs, tant locaux que nationaux, s'organisent, proposent des solutions pour mieux prendre en compte la dynamique de parcours des enfants concernés.

Des normes de taux d'encadrement

Lors d'un précédent documentaire diffusé en 2019, Adrien Taquet avait reconnu qu'il y avait des dysfonctionnements au sein de l'ASE. "Il y a un texte de loi en préparation " qui sera l'occasion d'inscrire pour la première fois dans la loi des normes de taux d'encadrement". En outre, la loi pourrait imposer un contrôle obligatoire de l'action des conseils départementaux, et ce, chaque année. 

A 18 ans, un accompagnement vers l'emploi ou une formation

Tous les jeunes de l'Aide Sociale à l'Enfance qui atteignent leur majorité auront le choix de suivre un parcours vers l'emploi ou une formation, prise en charge par l'Etat. Ils bénéficieront également d'une allocation d'un montant de 500 euros par mois. 

Accompagner les enfants placés en situation de handicap

Dès 2020, des équipes pluridisciplinaires, ayant une expérience croisée sur les questions relevant du handicap et de la protection de l'enfance, ont été mises en œuvre sur certains territoires. Ces équipes apportent appui et expertise notamment aux structures d'accueil de la protection de l'enfance, aux familles d'accueil et aux parents. Par ailleurs, une initiative visant à déployer ces solutions innovantes sur l'ensemble du territoire va être lancée dans les prochains jours et formulera des propositions opérationnelles visant à accompagner tous les enfants de l'ASE en situation de handicap.

Que prévoit la stratégie de prévention et de protection de l'enfance ?

"Dans certains territoires, 40% des enfants placés ont un parent qui a lui-même été placé dans sa propre enfance, tandis que 25% des sans domiciles fixes et 20% des adultes en détention sont d'anciens enfants placés. (...) "Je veux que nous prenions des décisions qui permettront aux enfants protégés de se considérer et d'être considérés comme des enfants comme les autres" expliquait Adrien Taquet en octobre 2019 lors de la présentation de sa stratégie de prévention et de protection de l'enfance. Mis en œuvre dès janvier 2020 avec un budget de 80 millions d'euros, ce plan destiné à réformer l'aide sociale à l'enfance a déjà porté ses fruits et plusieurs mesures phares sont déjà en place. 

  • La création d'une nouvelle agence. Le secrétariat d'État souhaite la création d'une nouvelle agence. Celle-ci rassemblera  le Groupement d'intérêt général enfance en danger (Giped), l'agence française de l'adoption (AFA), le Conseil national de la protection de l'enfance (CNPE) et le Conseil national pour l'accès aux origines personnelles (CNAOP). Cette nouvelle entité sera à la fois chargée  "de la gestion des différents dispositifs de prévention et de protection de l'enfance, de missions de conseil, d'avis et de concertation mais aussi missions d'études et de statistiques", indique un communiqué du 14 octobre 2020. 
  • L'adoption simple pour les familles d'accueil ? Cette mesure permettrait aux enfants de ne plus être "ballotés" de famille d'accueil en foyers, où ils sont parfois victimes de maltraitance. Car actuellement, les familles accueillent les enfants provisoirement, et lorsque ces derniers ne peuvent retourner dans leur propre famille, l'adoption est interdite par l'ASE, alors que 14000 familles ont un agrément en vue d'une adoption. "Je souhaite que nous renforcions l'accompagnement des projets d'adoption et que nous puissions accélérer les projets de délaissement et favoriser l'adoption simple" avait-il ajouté. L'objectif n'est pas encore atteint mais la députée LREM de l'Isère, Monique Limon, a déposé en juin 2020 une proposition de loi en ce sens visant à réformer l'adoption. "Ce texte doit permettre de renforcer et de sécuriser le recours à l'adoption comme outil de protection de l'enfance, lorsque celui-ci correspond à l'intérêt de l'enfant concerné.", indique le communiqué.
  • La refonte du statut des assistants familiaux. La refonte du statut des assistants familiaux est l'un des enjeux majeurs de la stratégie mise en place par le Secrétariat d'État en charge de l'Enfance et des Familles. Ils accueillent aujourd'hui la moitié des enfants placés et le projet vise à revaloriser leur rôle et leur place ainsi qu'à soutenir leurs conditions de travail et d'exercice. Il s'agira non seulement d'améliorer leur rémunération mais aussi de leur offrir un soutien et des garanties d'exercice. Plusieurs réunions de travail ont eu lieu au cours de l'année et les premières conclusions doivent être présentées en janvier 2021.

Protection de l'enfance : comment prévenir les risques ?

D'ici 2022, le Secrétaire d'Etat souhaite que 100% des bilans de santé soient réalisés à l'école maternelle (contre 70% actuellement), avec un renforcement des moyens des cellules d'informations préoccupantes. En ce qui concerne les futures et jeunes mamans, le gouvernement prévoit d'atteindre un taux de couverture de 20% des besoins en termes d'entretien prénatal précoce, mais aussi de doubler le nombre de visites à domicile prénatales par les sages-femmes de PMI, et le nombre de visites à domicile infantiles par des infirmières puéricultrices juste après l'accouchement. Enfin, pour soutenir les parents en difficultés, 20 nouveaux relais parentaux (500 nouvelles places) pourraient être créés.

  • Contractualiser le travail entre l'État et les départements. "Les actions prévues reposent en grande partie sur la mise en place d'une démarche de contractualisation pluriannuelle entre l'État et les départements, fondée sur des exigences communes, un engagement financier réciproque et des indicateurs précis d'évaluation des actions conduites.", indique le gouvernement. Cette démarche a été initiée dans 30 départements volontaires en 2020. Une réussite qui a incité le secrétaire d'État à accélérer la généralisation de la contractualisation sur tout le territoire, en élargissant à 40 départements supplémentaires en 2021, soit dix de plus que  prévus.
  • Faire des enfants placés des enfants comme les autres. De nouveaux indicateurs devraient enfin permettre d'être à l'écoute de la parole des enfants dans l'évaluation de la qualité des procédures et des prises en charge liées à la protection de l'enfance. Aussi, pour lutter contre les ruptures de parcours, Adrien Taquet préconise de mettre en place un bilan de santé obligatoire pris en charge par l'Assurance maladie pour chaque enfant qui entre dans le dispositif de protection de l'enfance, et garantir ensuite la continuité du parcours et de l'accès aux soins des mineurs non accompagnés jusqu'à leur majorité. Autres mesures phares : contrôler les lieux d'accueil en établissant des critères de qualité sur la prise en charge des enfants, créer (d'ici 2022) 600 nouvelles places d'accueil pour répondre aux besoins spécifiques des enfants placés et permettre notamment aux fratries de grandir ensemble. En outre, le retour à domicile devrait être mieux accompagné et le quotidien des enfants placés facilité avec une simplification des notions d'actes usuels et non usuels.

Des albums photos pour créer des souvenirs d'enfance

Parce que trop de jeunes n'ont aucun souvenir de leur enfance faute de traces, Adrien Taquet souhaite créer un album réunissant les photos de chaque enfant placé. "La création d'un album de vie leur permettra d'en conserver pour le reste de leur vie et contribuera à ce que les enfants protégés se considèrent tels qu'ils sont : des enfants comme les autres" avait-il précisé.

Un soutien scolaire pour les enfants protégés. Soutien scolaire, accès à la culture, aux sports et aux loisirs... Qu'il s'agisse de la santé, ou du droit à l'éducation et à la scolarité, Adrien Taquet tient à ce que chacun possède les mêmes chances de réussite que les autres enfants. En effet, "à l'âge de 15 ans, les enfants de l'ASE sont trois fois plus déscolarisés que les autres enfants, et à 16 ans, 16 % des enfants confiés ne sont plus scolarisés, contre 6 % en population générale", précise-t-il. Une attention particulière sera donc portée pour que le programme "devoirs faits" bénéficie aux enfants protégés comme aux autres dès 2020. Le dispositif de soutien scolaire numérique fonctionne déjà pour les enfants hospitalisés et permettra de soutenir les enfants de l'aide sociale à l'enfance face au décrochage scolaire et aux difficultés à l'école. En outre, les enfants de l'ASE pourront avoir recours aux internats scolaires l'an prochain et des places dans les internats des lycées d'excellence seront notamment réservées aux jeunes.

  • Co-saisine de deux juges en cas de décisions complexes. Le gouvernement souhaite également faire appel à deux juges lorsqu'une décision difficile ou déterminante pour la vie de l'enfant devra être prise, afin de garantir sa collégialité, sa pertinence et sa conformité avec les besoins de l'enfant. "La Garde des sceaux prévoit une mesure forte pour renforcer les garanties procédurales devant le juge des enfants : l'introduction de la collégialité pour les décisions complexes", précisait Adrien Taquet.

Une aide pour les jeunes de 18 ans. Rappelons qu'actuellement, les jeunes de l'ASE doivent voler de leurs propres ailes à 18 ans, alors qu'il ne peuvent être autonomes à cet âge. En moyenne, l'âge auquel les adolescents quittent leur foyer familial est 23,6 ans, et leur premier emploi stable se situe entre 27 et 28 ans, rappelait le CESE dans ses recommandations sur l'accompagnement des jeunes majeurs. Pour éviter ce que l'on appelle "une sortie sèche", le gouvernement souhaite accompagner les jeunes dans leur recherche d'emploi, d'insertion, de logement et "créer un fond de solvabilisation national des jeunes sortants pour l'accès à un logement, de type fonds de solidarité logement". Enfin, les jeunes pourront bénéficier de bourses universitaires, d'accès facilité au logement étudiant pour assurer une meilleure égalité des chances.


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